Les bains douches

C'est le seul bâtiment édifié en "Modern Style" qui subsiste aux Sartis. Les éléments décoratifs de la façade, notamment les chapiteaux en pierres moulurées qui coiffaient les piliers en briques de part et d'autre de l'avancée à pans coupés de l'entrée, ou encore les pierres taillées et ornementées garnissant l'entourage de la porte, sont pour la plupart disparus. Je me hasarde à croire qu'ils ont été entreposés en lieu sûr, mais j'ai un doute... Les fenêtres surmontant l'entrée et la baie en arc plein cintre étaient garnies en leur intérieur d'un vitrail signé par l'artiste Anto Carte, heureusement préservé par la Faculté Polytechnique de Mons. Le bel édifice, qui n'est plus que l'ombre de lui-même, attend sa mort en pourrissant sur pieds...

 
     
   
     
     
 
 
     
     
   
     
     
   
     
 

La dernière fois...

Le magnifique vitrail donnait au hall d'entrée une note colorée, en plus des faïences ornant les murs.On imagine bien la luminosité tamisée du lieu, chaude et désuète, qui devait contraster avec la poussière et la noirceur des chantiers souterrains attendant les centaines de mineurs qui arrivaient ici à chaque poste.

Ils montaient les escaliers garnis de rampes en fer forgé, passaient par le pointage et gagnaient ensuite la salle des pendus pour se changer avant la descente. Aujourd'hui, il ne reste pratiquement rien de tout ça... La peinture des murs s'est écaillée, tout ce qui pouvait être volé l'a été, la crasse et les débris recouvrent le carrelage du sol que l'on devine encore ça et là. Une vague odeur de moisissure plane dans l'air. La salle des pendus, ce vaste vestiaire typique de toutes les mines de charbon est encore orné de ses faïences murales et de quelques unes des chaînes au bout desquelles les vêtements des mineurs pendaient. Les bains douches n'ont pas résisté à l'acharnement des vandales qui les ont anéantis.

J'essaie d'imaginer ce que furent les sentiments des mineurs venus une dernière fois se doucher et se changer après leur ultime journée en ce jour fatidique du 31 mars 1976, ou quelques mois plus tard pour certains, après avoir achevé le désameublement des travaux souterrains. Peut être contents d'être sortis de là ou tristes de quitter un charbonnage modèle pour s'en aller vers l'inconnu? Le fait que cette mine fut la toute dernière du Borinage n'était pas le fait du hasard. Toutes les bonnes conditions étaient réunies pour cela : des installations construites à peine cinquante ans plus tôt en actualité avec les techniques du moment, une direction dynamique qui avait suivi tous les progrès techniques et les avait implantés dans ses travaux, des veines régulières qui n'avaient rien à voir à ce qu'on trouvait dans la plupart des mines boraines, une grande mécanisation des chantiers avec abattage au rabot, soutènement métallique et évacuation des produits par convoyeurs blindés.

Pour les quelques dizaines de ces dernières gueules noires du Borinage, dont beaucoup de nationalité turque, quittant les Sartis, le destin sera pareil : Pour nombre d'entre eux, ce sera le reclassement dans les cinq derniers charbonnages du bassin de Charleroi avec à la clé un long déplacement quotidien en car. Certains, les plus jeunes, écriront même les ultimes pages de l'aventure du charbon en Wallonie avec la fermeture du charbonnage du Roton le 30 septembre 1984. Pour une autre partie du personnel, ce sera la retraite pure et simple.

 
     
   
     
     
 
 
     
     
   
     
     
 
 
     
     
 
 
     
     
   
     
     
 
 
     
     
   
     
     
 
 
     
     
 
 
     
     
   
     
     
 
 
     
     
 
 
     
     
 
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